International Development Law Organization

UN GROUPE DE HAUT NIVEAU VISE À COMBLER L’ÉCART ENTRE LES GENRES EN MATIÈRE DE JUSTICE

La justice pour les femmes est indispensable à la réalisation d’un des principaux objectifs du Programme de développement durable à l’horizon 2030 : veiller à ne laisser personne de côté.

Tant que toutes les femmes et filles – qui représentent plus de 50 % de la population mondiale – n’auront pas accès à une justice équitable et efficace, le développement durable et ouvert à tous demeurera hors de portée. Bon nombre des Objectifs de développement durable (ODD) – y compris ceux en lien avec l’éducation, la santé et le travail décent – ne peuvent pas être atteints sans qu’il y ait justice pour les femmes.

Le Groupe de haut niveau sur la justice pour les femmes

Le Programme 2030 bénéficie d’un engagement politique sans précédent, ce qui représente une réelle possibilité d’améliorer la justice pour les femmes et les filles. En mai 2018, l’OIDD, ONU Femmes et Les Pionniers pour des sociétés pacifiques, justes et inclusives ont formé un groupe de haut niveau destiné à promouvoir le caractère central des besoins des femmes en matière de justice dans la mise en œuvre, le suivi et la communication d’informations relativement à l’ODD 16.

Le Groupe de haut niveau sur la justice pour les femmes constitue un moyen essentiel d’informer et d’enrichir les activités du Groupe de travail sur la justice, initiative des Pionniers lancée pour accélérer la réalisation de l’objectif 16.3 du Programme, qui concerne l’accès à la justice. Chargé d’élaborer des recommandations concrètes sur l’accès des femmes et des filles à la justice, le Groupe de haut niveau apporte au Groupe de travail une contribution tenant compte des questions de genre.

Le Groupe de haut niveau s’est réuni pour la première fois les 28 et 29 mai 2018 à La Haye pour discuter de stratégies visant à répondre au besoin de justice non satisfait des femmes dans tous les pays, et identifier les obstacles courants et des solutions efficaces pour combler l’écart entre les genres en matière de justice. [lire le compte-rendu de la réunion inaugurale (en anglais)]

La réunion a été ouverte par Sigrid Kaag – ministre néerlandaise du Commerce extérieur et de la Coopération au développement, et coprésidente du Groupe de travail sur la justice – et Irene Khan – directrice générale de l’OIDD. 

À cette occasion, les membres du Groupe de haut niveau – hauts représentants de gouvernement, universitaires, acteurs de la société civile et dirigeants d’organisations internationales – ont souligné la capacité de cette entité à générer une action et un engagement politique en étendant les partenariats avec des réseaux régionaux, des associations et des organisations de donateurs.

Le Groupe s’apprête à rédiger un rapport contenant des recommandations de mesures et d’investissements en vue d’améliorer la justice pour les femmes, qui sera présenté lors de la 63e session de la Commission de la condition de la femme, et contribuera à la présentation du rapport du Groupe de travail sur la justice lors du Forum politique de haut niveau en juillet 2019 et de l’Assemblée générale des Nations unies en 2019.

Un document d’information (en anglais) a été diffusé pendant la réunion inaugurale pour donner un point de départ aux discussions du Groupe et l’aider dans la rédaction de son rapport.

Membres du Groupe de haut niveau (par ordre alphabétique):

  1. Irene Khan, directrice générale de l’OIDD (organisatrice)
  2. Phumzile Mlambo-Ngcuka, secrétaire générale adjointe des Nations unies et directrice exécutive d’ONU Femmes (organisatrice)
  3. Abubacarr Marie Tambadou, procureur général et ministre de la Justice, Gambie
  4. Arkel Benitez, Secretary General, secrétaire général de la Conferencia de Ministros de Justicia de los Países Ibero Americanos
  5. Catherine Harrington, chargée de campagne, Campagne mondiale pour l’égalité du droit à la nationalité
  6. Deqa Hagi Yasin, ministre des Femmes et des Droits de l’homme, Somalie
  7. Dubravka Šimonovic, Rapporteure spéciale des Nations unies sur la violence contre les femmes, ses causes et conséquences
  8. Frida Gómez, directrice générale de Noticias Tiemposmodernos et conseillère nationale à l’Institut mexicain de la jeunesse pour l’évaluation et le suivi des politiques publiques relatives à la jeunesse
  9. Hilary Gbedemah, membre du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes
  10. María Fernanda Rodríguez, sous-secrétaire chargée de l’accès à la justice, rattachée au ministère de la Justice et des Droits de l’homme, Argentine
  11. Nana Darkoa Sekyiamah, directrice de l’information, de la communication et des médias à l’Association pour les droits des femmes dans le développement
  12. Nathalie G. Drouin, sous-ministre de la Justice et sous-procureure générale, Canada
  13. Nursyahbani Katjasungkana, directrice de l’Association des femmes indonésiennes pour la justice
  14. Patricia Scotland, secrétaire générale du Commonwealth
  15. Rangita da Silva de Alwis, vice-doyenne chargée des Affaires internationales, faculté de droit de Pennsylvanie
  16. Sandie Okoro, Première vice-présidente et directrice juridique du Groupe de la Banque mondiale

L’écart entre les genres en matière de justice

Il y a un lien évident entre le genre et la justice, ainsi qu’entre l’ODD 5 sur l’égalité des genres et l’ODD 16 sur la paix, la justice et les institutions solides. Bien que l’égalité des genres soit indispensable pour instaurer des sociétés pacifiques, justes et inclusives fondées sur l’état de droit, les femmes et les filles jouent un rôle crucial dans l’émergence d’institutions équitables et ouvertes à tous. Dans le même temps, un système judiciaire efficace est essentiel pour permettre aux femmes de devenir des partenaires à part entière dans la prise de décision et le développement. La capacité des femmes à accéder à la justice est fondamentale pour revendiquer et réaliser leurs droits.

Pourtant, il existe une très forte disparité entre la promesse de justice contenue dans l’ODD 16 et la réalité des femmes et des filles, entre les besoins et les souhaits de ces dernières dans leur quête de justice, et les jugements qui sont rendus à leur encontre.

Les législations discriminatoires à l’égard des femmes dans le monde

À travers le globe, 104 États appliquent encore des lois qui empêchent les femmes de travailler dans certaines branches, comme l’exploitation minière, la production industrielle et la construction. Seuls 40 % des États exigent une rémunération égale pour un travail de valeur égale. Quelque 45 pays ne disposent pas de lois relatives aux violences domestiques, et 59 n’ont promulgué aucune loi sur le harcèlement sexuel sur le lieu de travail. La domination masculine dans les relations familiales apparaît aussi clairement dans les données qui montrent que dans bon nombre de pays et contrairement aux hommes, les femmes ne peuvent pas faire de demande de passeport, être considérées comme chef de famille ou voyager.

Lisez le Document d’information du Groupe de haut niveau (en anglais) pour en savoir plus sur l’écart entre les genres en matière de justice

De plus en plus d’éléments suggèrent de graves lacunes quant à l’égalité des protections juridiques offertes aux femmes et aux filles, en particulier lorsque ces dernières sont touchées par un conflit ou une crise humanitaire. Les cadres juridiques et les normes sociales discriminatoires en termes de genre peuvent réellement freiner l’administration de la justice pour les femmes. Lorsque des lois tenant compte des questions de genre sont en vigueur, leur application est souvent insuffisante en raison de divers facteurs techniques, financiers et politiques. Les difficultés découlent de l’incapacité à prendre en considération l’interaction entre les lois, les réglementations et les institutions de mise en œuvre, ainsi que leur impact collectif sur les droits des femmes.

Par exemple, en vertu des réglementations, il est souvent obligatoire de présenter une carte nationale d’identité, un certificat de naissance ou des documents fournis par le cadastre pour bénéficier de droits fonciers et d’un titre de propriété, et se faire enregistrer. Ces documents ne sont généralement pas à la portée des femmes pauvres, qui ont peu de temps et d’argent et un accès limité aux infrastructures et aux réseaux.

Un système judiciaire inefficace et sourd, associé aux préjugés sexistes, aux barrières socio-économiques et à un faible accès à l’information et l’aide, peut davantage empêcher les femmes à revendiquer leurs droits et à chercher à obtenir réparation.

Par ailleurs, une grande partie des femmes en quête de justice dans le monde se retrouvent face à des mécanismes judiciaires coutumiers ou informels qui leur sont généralement défavorables mais qui examinent des affaires qui ont des répercussions plus fortes sur elles que sur les hommes – notamment celles en lien avec des questions d’héritage ou de propriété, ou des violences domestiques.